RESTIC 2017

« Que font les réseaux sociaux aux réseaux sociaux ? » Telle pourrait-être résumée la question qui est au centre de ce projet. En effet, l’expression « réseau social » peut, selon les contextes, désigner soit des ensembles de relations entre des personnes ou des organisations, reconstitués par des chercheurs en sciences sociales, soit des supports de sociabilité comme Facebook, LinkedIn, Viadeo, etc. Le projet de recherche RESTIC a ainsi pour objectif d’étudier l’effet qu’ont eu la démocratisation d’internet et le développement des médias sociaux sur les réseaux personnels.
 
Les réseaux personnels constituent un objet d’étude développé en sciences sociales. L’accumulation des études dans plusieurs parties du monde suggère que les caractéristiques des réseaux personnels sont relativement stables dans le temps et dans l’espace. On note que la vie dans les grandes métropoles semble favoriser des relations plus ségrégatives et des réseaux moins denses que ceux que l’on observe dans des environnements ruraux. Les interactions au cours desquelles les relations se créent, se développent, et se transforment, ou se rompent, impliquent des usages plus ou moins larges de dispositifs de communication : courrier postal, téléphones, Internet. On estime en général que l’apparition du téléphone ne s’est pas accompagnée de grandes transformation des réseaux personnels. En revanche, l’apparition des dispositifs électroniques de communication et notamment les médias sociaux a suscité des questions sur l’évolution des relations et des réseaux.
 
Malgré le foisonnement des travaux internationaux, peu de recherches ont analysé avec rigueur comment la démocratisation d’internet et l’apparition des médias sociaux modifient la structuration des réseaux de relations personnelles. Ces dispositifs permettent d’entretenir des sociabilités numériques qui recoupent et prolongent les liens sociaux « hors ligne » d’où le constat selon lequel ces médias sociaux favorisent plus la capitalisation du capital social existant que la création de nouvelles relations. Ils paraissent favoriser la préservation des relations sociales éloignées géographiquement en permettant de conserver à portée de clics une part de ses connaissances. Du point de vue de la structure des réseaux personnels les recherches sont plus rares et nombre de questions n’ont toujours pas de réponse claire : les liens constitués « en ligne » sont-ils différents des liens « ordinaires » analysés jusqu’à présent par les études de réseaux sociaux ? L’existence des moyens de communication électronique influe-t-elle sur taille et la structure des réseaux personnels ? Influe-t-elle sur le type de relation (plus de liens entre personnes ayant de fortes similarités sociales par exemple) ? Sur leur répartition dans l’espace ? Sur les relations de travail ?
 
Pour étudier ces questions, cette étude reproduit le protocole d’enquête d’une recherche menée en 2001 sur les réseaux sociaux à Toulouse auprès d’un échantillon de 399 individus. L’enquête mesurait les réseaux personnels des individus (qui sont leurs proches ? se connaissent-ils entre eux ?) et permettait de dégager plusieurs résultats sur la structure des réseaux en fonction des catégories sociales ou des lieux de vie. Notre enquête aura lieu à partir de février 2017 soit 16 ans après la première. Or entre ces deux périodes, internet s’est considérablement démocratisé et de nouveaux dispositifs d’entretien des relations sont apparus ce qui permettra d’évaluer de manière rigoureuse les changements entre les deux périodes. L’objectif est de collecter des données par questionnaires auprès d’un échantillon de 1000 personnes pour comparer les résultats de 2017 avec ceux de 2001, pour mesurer et analyser l’évolution des sociabilités et des réseaux personnels.
 
Plusieurs hypothèses peuvent être formulées auxquelles l’enquête proposée devrait répondre :
  • Les supports de sociabilité sur internet ne bouleversent pas la structure des réseaux sociaux mais ils contribuent à maintenir des liens faibles qui demeurent réactivables là où ils auraient eu tendance à disparaître sans l’existence de ces dispositifs. La taille des réseaux devrait donc être légèrement plus grande chez les utilisateurs de ces supports.
  • En multipliant les possibilités d’interaction, les supports de sociabilité sur internet ont le même effet que le passage entre les environnements ruraux et les environnements urbains. La ville abaisse les contraintes sur les interactions et rend de ce fait la construction des relations plus libre. Lorsque les relations sont plus choisies, elles font plus de place au jeu des affinités et tendent à être plus homophiles. Les supports de sociabilité contribuent ainsi à renforcer les inégalités relationnelles, l’homophilie et la ségrégation sociale.
  • Le même phénomène peut être observé concernant la densité des réseaux. Plus les possibilités d’interactions augmentent, moins l’on observe d’interconnaissances entre nos relations et moins la densité des réseaux est importante. L’intensité de l’usage des supports de sociabilité devrait être corrélé négativement à la densité des réseaux.


Animateurs : Guillaume Favre, Michel Grossetti, Julien Figeac, Benoit Tudoux
 
Enquêteurs : Fanny Camus, Eloise Carrere-Kane, Guillaume De Oliveira, Mamadou Habib Diallo, Emilie Fernandez, Lucille Gicquel, Gaelle Jouanno, Marlene Lecour, Elsa Martin