Les bénéfices des mobilités d’équipe

Publié le 12 novembre 2025 – Mis à jour le 12 novembre 2025

le 13 mars 2026

14h-17h

Université Toulouse - Jean Jaurès, Olympe de Gouges, GS133

Séance organisée dans le cadre du séminaire commun "Savoirs, Réseaux et Médiations" & "Usages, Techniques et Marchés" du LabEx SMS

Intervenant : Olivier Godechot (CRIS, AXPO, Sciences Po)

La mobilité sur le marché du travail est souvent vue comme un phénomène individuel, déterminé par la productivité intrinsèque d’une salariée, laquelle résulte d’une combinaison de talent inné et de capital humain accumulé avant l’entrée sur le marché du travail. Dans le cadre économique standard, l’option de sortie révèle donc la valeur marchande d’une salariée et, par extension, sa productivité individuelle.

Mais que se passe-t-il si la mobilité n’est plus individuelle mais collective ?

▶En savoir +

C’est le cas lorsqu’une entreprise embauche une équipe déjà constituée provenant d’une autre entreprise. Dans ce cas, la production du groupe dépasse la somme des productions individuelles. Les mobilités d’équipes remettent donc en question la vision classique individualiste et essentialiste des marchés du travail. Des recherches antérieures (Lazega 2001 ; Groysberg 2010 ; Godechot 2017) ont montré que les mobilités d’équipes jouent un rôle clé au sein des professions hautement qualifiées telles que les avocates d’affaire ou les métiers de la finance. En s'appuyant sur des enquêtes de terrain et des entretiens dans ces secteurs, les chercheurs montrent comment les mobilités d’équipe facilitent le transfert, d’une entreprise à une autre, de l’activité économique, en particulier des clientes. Pour tester si les salariées sont bien rémunérées pour ces transferts, nous mobilisons les données administratives françaises (BTS-DADS) sur les salaires des cadres de la région parisienne. Pour identifier les mobilités d’équipe, ils utilisent les mouvements simultanés de trois à quinze personnes entre deux entreprises du même secteur.

À l’aide d’une méthode de différence de différences dite LPDID, ils établissent que les mobilités d’équipe entraînent des gains salariaux substantiels. Deux ans après leur mobilité, les personnes se déplaçant en équipe gagnent 10 à 12 % de plus que celles qui sont restées immobiles et 3 à 5 % de plus que celles qui se déplacent seules. Dans le secteur financier, la différence est encore plus marquée : + 20 % par rapport aux employées qui restent dans leur entreprise et +10 % par rapport à celles qui changent seules d'emploi. Plus généralement, les mobilités d’équipe sont plus lucratives que les mobilités individuelles dans les secteurs où les clientes constituent les principaux actifs, par opposition à ceux où les connaissances et l’expertise dominent. Cela suggère qu’une mobilité d’équipe est un mécanisme effectif pour transférer des clients d’une entreprise à l’autre.

En fin de compte, les mobilités d’équipe contribuent à la reconfiguration du capitalisme en permettant à des groupes de salariées hautement qualifiées de tirer parti de leur pouvoir collectif, de remettre en question les frontières de la firme et de réaffecter des actifs clés, en particulier les clientes, à leur propre avantage.